NOS VALEURS EXCLUENT L’EXCLUSION

Nous sommes contre tout projet de charte des valeurs québécoises.

La liberté « de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé », reconnue dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ne représente pas pour nous une source d’inconfort, mais un acquis qui doit rester associé au principe même de la laïcité, comprise comme une condition de l’égalité au sein d’une société pluri-religieuse.

L’égalité qui nous tient à cœur inclut l’égalité et l’inclusion que désirent nos concitoyens et concitoyennes venus d’ailleurs ou dont les traditions culturelles et religieuses diffèrent des traditions historiques dominantes. Le désir d’égalité, partout où il se manifeste, ne débouche pas pour nous sur des passions négatives — agressivité, peur de l’autre et de l’avenir, insécurité, sentiment de perte de repères —, mais sur la confiance en ce que les êtres humains ont de meilleur, sur l’empathie et la solidarité.

Nous nous indignons de la démarche que semble privilégier le gouvernement actuel puisqu’elle contribue à l’exacerbation de différences réelles ou présumées, à la caricature de nos concitoyennes et concitoyens rattachées, souvent de force, à ces « minorités » sur le dos desquelles on souhaite édifier une communion nationale défensive et hargneuse parce que sans projet. Du reste, cette démarche nourrit le fantasme d’une définition non conflictuelle de la collectivité québécoise.

Il n’est pas surprenant de constater l’importance démesurée qu’accorde le gouvernement Marois à ce projet répressif et diviseur. Ayant abandonné toute perspective de justice sociale au nom du conservatisme fiscal, toute vision écologiste au nom de l’économisme à courte vue et tout projet national émancipateur, ce gouvernement à la dérive n’a plus que la carte identitaire à jouer pour déjouer ses adversaires encore plus à droite et si possible diviser la gauche au nom de la laïcité. Incapable d’être souverain à l’égard des banques, des minières, des pétrolières, des conglomérats médiatiques et de toutes les puissances économiques de plus en plus sourdes aux aspirations populaires, le PQ se donne des airs de souveraineté en se trouvant des proies faciles.

La charte projetée procède d’une vision autoritaire de la laïcité visant à bannir des institutions et des services publics les personnes portant des signes religieux apparents, tout en autorisant la présence de crucifix à l’Assemblée nationale ou dans les salles où siègent les conseils municipaux. Loin d’être une contrainte imposée à l’État pour assurer l’égalité et la liberté des personnes, cette laïcité consiste non seulement à forcer un processus de sécularisation, mais à réaffirmer une hégémonie culturelle. Il s’agit de normaliser des pratiques sociales à coups d’interdictions retirant des droits et produisant de l’exclusion et des discriminations.

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